Dans un disque enthousiasmant, l’accordéoniste Régis Huiban et ses musiciens racontent l’histoire du Train Birinik qui animait la vie du littoral bigouden, au début du siècle dernier. Un opus inspiré par une collecte d’anecdotes et de documents de cette époque.
Au début du siècle dernier, les Bigoudens y montaient pour se rendre aux pardons, aux noces ou pour rendre visite aux enfants partis à Quimper… Les premiers touristes de la Belle Époque l’empruntaient pour cheminer jusqu’aux plages ou au phare d’Eckmühl… Les travailleurs des ports et des usines du littoral y embarquaient leurs poissons et conserves pour les exporter vers les grandes villes…
De 1907 à 1946, le Train Birinik fit partie de la vie des Bigoudens qui l’appelèrent ainsi car il sillonnait la côte où ils aimaient pêcher le petit « birinik », la patelle en français. Ce Train Birinik était le pendant maritime du « train-carotte » qui remontait, lui, par les terres jusqu’à Audierne.
Mieux que l’Angélus
Sur les 18 kilomètres du tracé littoral, le train « ahanait à 20 km/h entre champs et palus » et s’arrêtait dans sept stations : la gare de départ de Pont-l’Abbé puis Plobannalec, Treffiagat, Le Guilvinec, Penmarc’h, Kérity et le terminus, à Saint-Guénolé. Sept haltes qui, aujourd’hui, font autant de compositions musicales sur le nouveau disque de Régis Huiban.
Avec cet album, l’accordéoniste, installé depuis plusieurs années en Pays bigouden, conclut un triptyque, « hommage aux passeurs de mémoire en Bretagne ». Un triptyque entamé en 2005 avec l’album « Sans sommeil », dédié aux chants traditionnels du pays de Guémené-sur-Scorff (56), puis poursuivi, en 2009, avec l’opus « 1732 », rappelant les complaintes liées à un assassinat survenu au Faouët (56).
« En arrivant en Pays bigouden, j’ai discuté avec les anciens qui m’ont parlé de ce Train Birinik. Ça m’a donné envie de m’y intéresser. Certains me racontaient l’avoir poussé, en haut des petites côtes de Treffiagat, pour le faire dévaler jusqu’au Guilvinec ; d’autres se souvenaient de la couleur des poignées de portes ; d’autres d’un accident survenu à Poulguen… Et ils me disaient aussi qu’en Pays bigouden, à cette époque, ce n’était pas l’Angélus qui sonnait les fins de journées des travailleurs mais le passage du train », énumère Régis Huiban, l’accordéon en bandoulière.
Un travail collectif
Avec ses fidèles musiciens Julien Le Mentec (basse, absent sur la photo), Loïc Larnicol (batterie) et Philippe Gloaguen (guitare), Régis Huiban offre sept morceaux où cheminent les influences traditionnelles, populaires et jazz du groupe. Un voyage musical de première classe ! À bord, Julie Bonnafont, Cécile Grenier, Mathilde Chevrel et André Losquin ont apporté leur violon, alto, violoncelle et bugle. Outre ces musiciens invités, l’historien Serge Duigou, les collectionneurs Marcel Dilosquer, Georges Bouguéon, Pierre-Jean Berrou, la mémoire locale Michel Le Roy et ses amis de l’association Emglev ar vro vigoudenn, l’équipe du centre culturel du Guilvinec… ont embarqué des anecdotes, des photographies d’époque et des documents divers (toiles, extraits de journaux, cartes, horaires du train…) à découvrir sur le riche fascicule du disque. Autant d’éléments qui ont inspiré Régis Huiban et Philippe Gloaguen dans leurs compositions.
Concert samedi avant une tournée
Dans les vestiges encore debout de la gare du Train Birinik de Pont-l’Abbé, quelques notes du piano à bretelles donnent le ton de cet album qui sortira officiellement à quelques mètres de là, au Triskell, samedi (lire ci-contre). Avant une tournée qui prendra corps en Bretagne et ailleurs début 2014, les Bigoudens vont certainement y composter leur billet.
Pascal Bodéré
Le Télégramme, 26 novembre 2013